18 janvier 1923
Je ne sais pas comment
aborder la suite de notre aventure. Ce qui suis est des plus
étranges, encore plus que tout ce que l'on a vécu jusqu'ici.
Peut-être avons nous été drogué, subit un contre-coût des jours
passés. Ce qui suis s'est-il en fait réellement produit ? Un rêve,
un cauchemar, ça aurai pu être une bonne explication si je l'avais
fait seule. Mais nous avons tous vécu la même chose.
Mon dernier souvenir
normal remonte au moment où je me suis couché, mon dernier regard
vers ma montre : 3h12. Je me suis endormi assez vite. Mais un
bruit me réveille assez vite, comme si je venait tout juste de
sombrer dans le sommeil, à peine quelques minutes. Des miaulements
de chat résonnent dans mon esprit, ainsi qu'une cloche. J'ouvre les
yeux et je suis debout, habillée, ma valise à la main. Mes amis
sont là aussi, mais Randolph Alexi brille par son absence, de même
que la valise dans laquelle nous avons caché le bras du simulacre.
Nous sommes dans la rue d'une cité qui s'étend ressemble à un
mélange d'architecture grec et romaine. Au bout de la rue, un
bâtiment nous rappel une gare anglaise, certains aspect nous faisant
penser à Charing Cross ou King Cross. De nombreux félins s'y dirige
vivement alors que la cloche sonne de plus en plus vite, annonçant
l'arrivée d'un train peut-être. Nous suivons le groupe de chat, qui
nous toisent comme seul ces boules de poils savent le faire, avec un
air hautain et dédaigneux. Chose étrange, le quai de gare est
divisé en deux zones, l'une pour les humains et l'autre pour les
chats. D'ailleurs, les humains ici sont vêtu de façon étrange,
orientale, médiévale, baroque. Devant nous, il n'y a pas de rails
mais une plaine verdoyante à perte de vue en lieu et place des
traverses. Le ciel est bleu, quelques nuages, un soleil
resplendissant.
Nous rejoignons un groupe
de personnes qui nous semble plus normale, vêtu comme nous, un gros
moustachu roux, une vieille femme à l'air sévère et un grand
échalas dans un manteau de fourrure. Sorti de nul part, un homme
s'approche de nous, vêtu d'un uniforme rappelant celui des employés
de l'orient express mais au visage couvert d'un masque de céramique
blanche, ne laissant visible que ces yeux. Ils nous tend des billets
pour ''l'onirique express'' et nous demande de reculer un peu, le
train entrant en gare. Le billet nous permet d'aller jusqu'au
terminus de la ligne, ''vers le pays de l'espoir après la ville
d'or''.
Nous ressentons une
impression étrange, comme si, malgré l'étrangeté de la situation,
une part de nous trouvant cela presque normal. Dans mon cas, et si
tout ceci est vrai, cela démontre que ma conviction qu'il y a un
''ailleurs'', un autre monde quelque part, est juste.
Le fameux train entre
enfin en gare. Enfin, train n'est pas du tout le mot juste. Arrive au
bord du quai une sorte d'insecte rampant, comme un mille-pattes
géant, de près de 100m de long et sur le dos duquel sont perchées
des pavillons, des sortes de maisons reliées entre elle par des
passerelles. Le gros roux, voyant notre stupeur, se présente :
Mack McKenzie. Il comprend notre étonnement et que nous venons ici
pour la première fois. Il nous invite à monter pour rejoindre nos
compartiments, tandis que des hordes de chats montent et descendent
du train, qui quitte bientôt la gare d'Ulthar, comme nous
l'apprendrons bientôt.
McKenzie nous invite à
prendre un verre au salon. Je pense qu'un remontant ne sera pas
superflu. Tout dans ce train est luxueux, bien au-delà de l'orient
express. Et surtout, l’intérieur est bien plus vaste que
l’extérieur.
C'est en sirotant le
meilleur thé qu'il m’ait été donné de boire que McKenzie nous
questionne sur notre présence ici. Très vite nous apprenons que
nous nous trouvons dans un monde nommé les contrées du rêves,
monde accessible par la méditation, les drogues et une grande force
de volonté, un monde où l'on entre volontairement. Il est bien
étonné d'apprendre que nous y sommes par hasard. Selon lui, Henry,
le chef du train au masque de céramique pourra nous en dire plus.
Dans ce monde, les rêves deviennent réalité, mais aussi cauchemar.
Ici sont agglutinés les rêves de tout le monde, de toutes les
époques et même d'autres univers. Et ceux qui prennent ce train le
font pour une bonne raison : aller jeter un objet symbolisant ce
qui nous préoccupe dans le golfe de Nodens.
Laissant les hommes avec
McKenzie, Clara et moi faisons connaissance avec Mme Bruja, la
vieille dame acariâtre. Effectivement, passer du temps avec elle est
plus éprouvant qu'une visite chez le dentiste. Elle ne tolère rien
et surtout pas les hommes, se refuse à toute distraction ou sourire.
Ses propos deviennent de plus en plus incohérent ce qui nous pousse
à la laisser pour aller explorer le reste du train.
Nous arrivons devant une
porte menant au wagon des chats. Dés que je tente d'y entrer pour y
mettre en sécurité un petit chaton noir, des tentacules
apparaissent et me repoussent. Cette vision met Clara dans un état
fébrile pendant quelques minutes. Décidant de faire demi-tour, nous
rejoignons nos compartiments non sans avoir convié Quentin, Jeremy
et Auguste afin de faire le point sur ce qui se passe. Mais a
discussion attendra puisque Henry nous attend.
Dans la discussion qui
s'en suis, Henry nous explique que ce train est sa création, qu'il
l'a construite à l'image de l'orient express à bord duquel il
semble avoir travaillé. Puis il aborde le sujet de notre arrivée,
lui aussi surpris du coté involontaire de notre venue dans les
contrées du rêve. Puis il nous explique la fonction de l'onirique
express : emmener les voyageurs pour un trajet unique vers le
golfe de Nodens à l’extrême sud du continent. La coutume veux que
quiconque y jette un objet représentant ses soucis en sera
débarrassé. A nos questions il répond patiemment. Il ne connaît
pas Randolph Alexi et pense que ce dernier était prisonnier dans des
sortes de limbes à l'écart de l'espace et du temps. Notre passage
bref dans ces limbes pourrait expliquer que nos esprit se sont ouvert
aux contrées du rêve. Henry nous laisse finalement non sans nous
convier à un banquet le soir même dans le wagon salon.
La soirée est étonnante.
Après un passage aux bains, où la pudeur n'est pas de mise, nous
festoyons de mets aux saveurs inconnues. Nous nous rendons aussi
compte que nous sommes suivi par le petit chaton noir que nous avons
croisé plus tôt dans la journée et qui selon Henry répond au nom
de Blackjack. Nous croisons aussi le grand maigre au manteau de
fourrure, un certain Karakoff, un marchand d'armes. Puis une fois de
repas terminé, le train s’arrête dans la sombre cité de
Dylath-Leen, cité de basalte noir, riche mais peuplée de voleurs et
d'assassins voir pire encore. McKenzie nous déconseille de sortir de
la gare, voir du train.
La curiosité nous pousse
tout de même à nous dégourdir les jambes sur le quai. De là nous
assistons à l'arrivée de plusieurs personnes singulières. Tout
d'abord un homme élégant, au style vestimentaire du XVIII, mais aux
yeux entièrement jaune et sans pupille. Il se présente comme
négociant en vin du nom de Mironim Mer.
Arrive ensuite,
accompagnée d'une fanfare, un groupe de personnes au regards
hautain, dont une femme aborde tout de même Jéremy. Elle se nomme
Dulce, n'est pas enthousiasme à l'idée de voyager dans un train de
seconde zone comme celui-ci, mais trouve notre ami suffisamment
intéressant pour espérer s'amuser ce soir. Elle vient de Sarnath
pour une rencontre diplomatique avec les représentants de Yb. Dulce
et l'une de ses amis donne rendez-vous à Jéremy aux bains.
Viennent ensuite la
délégation de Yb, des silhouette humanoïdes dont la démarche nous
en fait douter, toute encapuchonnées et dégageant une puanteur
atroce. Ils montent dans un compartiment spécial qui leur est
destiné afin de ne pas gêner les autres passagers.
Alors que le train
démarre, une jeune femme courant à toute allure pour ne pas rater
l'express nous demande de l'aide, que lui apporte Jeremy. Une fois à
bord, elle se présente, Suza, et a tout d'une bohémienne. Avec un
sourire, elle remercie son sauveur et lui promet une danse, un peu
plus tard. Décidément, il les attire toutes. D'ailleurs, alors que
je retourne à mon compartiment, croisant un Karakoff fou de colère
à cause du bruit que nous faisons, Jérémy rejoins Dulce aux bains
où visiblement il passe une très bonne soirée.
Une fois couchée et
endormie, je ressent une présence près de moi, mon esprit à
mi-chemin entre le rêve et l'éveil. Une odeur de pourriture
m'agresse les narines, une voix inaudible me murmure à l'oreille et
une main me caresse la joue. Je force mon esprit à me tirer de cet
état de semi-conscience et me redresse sur ma couchette de l'Orient
Express. Une brume flotte dans la pièce avant de s'évanouir en
quelques secondes. Tout ceci ressemble aux sensations ressentie à
l'asile et à Poissy. Je me dépêche de réveiller mes compagnons,
que je sors très difficilement des bras de Morphée. Selon ma
montre, il nous reste moins d'une demi-heure avant notre arrivée à
Lausanne. Nous n'avons dormi que 2h, et pourtant j'ai l'impression
d'être en forme, pas fatiguée du tout.
Nous reprenons nos
esprits, discutons de notre étrange expérience, rassemblons nos
affaires, près à descendre du train.
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